mardi 24 novembre 2009

Lettre ouverte à M. Leclerc,

Monsieur,

Non content de la mainmise de votre secteur d’activité sur de nombreuses professions qui ont déserté les centres de communes de taille moyenne (boulangerie, boucherie... et j’en passe), vous avez attaqué d’autres professions telles que les pompistes, ce qui a ruiné de nombreux travailleurs courageux, et a découragé nombre d’entre les autres, vous vous attaquez de nouveau à un secteur cher au français : la santé. Oui, je dis bien la santé et pas le commerce du médicament.
Je me permettrai de répondre à votre argumentation, qui laisse beaucoup de détails dans l’ombre, sur la nécessité –selon vous- de vendre les médicaments déremboursés dans les super et hypermarchés.

Le premier point sur lequel vous attaquez les pharmaciens est le prix. Vous dites qu’un médicament peut être retrouvé vendu du simple au triple dans plusieurs pharmacies et vous citez en cela une enquête. Me permettrez-vous une timide question : cette enquête tient-elle compte de la localisation géographique et du mode d’approvisionnement des pharmacies ? Effectivement, UNE seule marque était éligible : « Quand je vois que, malgré la présence de docteurs en pharmacie, nos parapharmacies n’ont pas le droit de vendre des tests de grossesse ou des patches antitabac, alors que ceux-ci, à marque et conditionnement égaux, sont vendus 13,59 euros dans une officine et 29,25 dans une autre, je me dis qu’il y a un problème » (source France-soir.fr, Pharmacie Leclerc - “Nous ferons baisser les prix de 50 %”,par Alexandra Gonzalez, le mardi 24 novembre 2009 à 04:00, http://www.francesoir.fr/societe/2009/11/24/leclerc-medicament.html).
Pour revenir sur le prix des substituts nicotiniques, il semble que depuis la mise en place d’un remboursement de 50€ pour arrêter de fumer, -une excellente mesure soit dit en passant-, de nombreux pharmaciens ont diminué leurs prix. Et ce n’est qu’un exemple !

Et que se passerait-il si je demandais à un de vos supermarchés de me commander un produit qu’ils n’ont pas en stock avec un délai de 24 heures ? Permettez moi de douter d’avoir une réponse telle que celle-ci, réponse souvent donnée lorsqu’un produit manque : « je vous le commande pour cet après-midi ou demain matin ». Et si c’était le cas, je trouverais certainement un de vos concurrents pour me vendre ce produit moins cher, puisqu’acheté par lui en grandes quantités. Oui, cela explique probablement les écarts de prix. Les grossistes pharmaceutiques doit gérer un stock de milliers de références, payer des salaires et des charges, gérer des livraisons jusque trois fois par jour... Quand vous aurez mis en place ce système pour des produits de tous les jours, en payant les gens de manière convenable, nous reparlerons des coûts...

J’ai également lu l’enquête que vous citez, réalisée par la bipe pour votre compte. Quel dommage que vous n’ayez pas pris en compte d’autres pharmacies que des pharmacies de centre ville. Avez-vous déjà comparé les prix entre deux grandes surfaces, une avec et l’autre sans concurrence de discounters ?


Le deuxième argument que vous soulevez, c’est le problème de la compétence. Il serait malvenu pour moi de critiquer les pharmaciens qui travaillent en GMS. Ce serait déplacé de ne pas reconnaître leur compétences, car ils ont suivi la même formation que les autres, une formation si mes renseignements sont exacts, que suit un des membres de votre famille, ce qui prouve que vous pouvez lui accorder de la valeur.
Cependant, j’ai au cours de mes études primaires eu droit à quelques leçons de mathématiques, voyons ce qu’il en reste.
Prenons une chaine de la grande distribution, qui possède 134 parapharmacies en France. Prenons 180 pharmaciens qui y travaillent.
Calculons maintenant des horaires de supermarché : ouvert 6 jours sur 7, de 9h à 19h30, soit 10,5 heures par jour et 63 heures par semaines.
Prenons maintenant la durée légale du travail : 35 heures ou 38 heures pour un cadre.
Divisons 63 par 38 : nos obtenons 1,65 temps de travail. Vous avez donc besoin d’1,65 pharmacien pour ce type de supermarché (qui a des horaires relativement restreints). Si on ramène ce chiffre aux grandes surfaces concernées on obtient : 1,65x134= 222 !!! aïe ! Il manque 38 pharmaciens... J’espère que vous fermez les parapharmacies quand le pharmacien n’est pas la !
Et encore, quand je fais ce calcul, je laisse supposer que certains pharmaciens font des temps partiels dans 2 grandes surfaces différentes, ce qui me parait difficile dans certaines zones ou 1 seul supermarché est de taille à avoir une parapharmacie.

Seriez vous prêts à adopter un code de déontologie, et surtout, à le faire appliquer de manière sérieuse ? J’en doute, la déontologie n’étant pas il me semble la qualité première de votre secteur d’activité.
Alors, je conclurai en disant : oui, c’est exact, ces pharmaciens sont compétents, mais soit ils sont surchargés d’heures supplémentaires, soit ils ont une admirable capacité de travail et de conseil que je ne me targuerai jamais d’avoir !

Troisième point à aborder : c’est une question qui me semble légitime et qui porte sur le sondage que vous avez proposé comme source sur votre site internet, disant que 36% des patients on déjà renoncé à acheter un médicament à cause de son prix. Son prix par rapport à quoi ? Au fait qu’il ne soit pas remboursé alors qu’il est prescrit par un médecin ? Au fait qu’il soit plus cher ? Plus cher que quoi ? Qu’un autre médicament différent ?
J’ai souvent renoncé à acheter un écran TV plasma 107 cm à cause de son prix... Et en grande partie car je n’en ai pas un besoin urgent...
La même enquête dit bien que 64% ne renoncent pas à l’achat. Question à proposer à IPSOS : Vous est-il déjà arrivé de renoncer à manger parce que ca coutait trop cher ? Vous est-il déjà arrivé de sortir dehors en T-shirt par -20°C parce qu’un manteau et un pull étaient trop cher ?

Je ne pointerai pas les autres insuffisances de cette enquête en temps que professionnel de santé... Heureusement que l’AFSSAPS ne tient pas compte des seules enquêtes menées ou commanditées par les laboratoires pour évaluer les médicaments...


Quatrièmement, je dois vous faire part de mon admiration sur le sujet du gain de pouvoir d’achat des français pour leurs dépenses de santé : vous comptiez faire baisser les prix de 25% l’an dernier, puis cette année, c’est une baisse de 50% ! Bravo ! Et l’an prochain, combien promettrez-vous ? 75% ? 80% ? 150% ?
Je m’incline, peu de pharmaciens le peuvent...ou alors en licenciant ou en ne respectant pas la loi qui impose un pharmacien assistant en fonction du chiffre d’affaire.

En abordant le sujet de la baisse des prix, vous parlez toujours sur votre site, de l’Italie : votre site annonce un gain de 11,8% en moyenne sur les 24 produits les plus vendus. « Les médicaments non remboursables représentent 30 euros par an dans le porte-monnaie d'un Français ». Même si ce chiffre est déjà ancien, et si on se base sur 50€ par an et par français vous promettriez donc une économie possible de 5,65€ chaque année. Je suis sur que vos cleints apprécieront le geste, et qu’ils se feront une joie de parcourir vos rayons, ou l’utile côtoie une masse toujours plus appétissante et savamment aménagée de produits superflus, pour les dépenser et ainsi faire remonter leur moral lié à leur consommation.

Je conclurai donc, même si je ne vous ai pas tout dit, ne parlant pas du maillage territorial, du service de garde, de la baisse des marges et des difficultés que ressentent les petites officines, mais aussi de vos politiques de pression auprès des fournisseurs, des méthodes douteuses sur les affichages de prix (chose que vous nous reprochez mais qui est une pratique courante dans la grande distribution, ne feignez pas l’étonnement) en vous confiant qu’en temps que futur pharmacien je ne pense pas que votre idée soit bonne pour la santé des français. Pour leur portefeuille, mais surtout et encore pour quelques euros de plus pour les GMS, peut être...
Cordialement,

C.R., étudiant en pharmacie conscient et indigné par vos propos.

2 commentaires: